Millerisme

 

 

Le Millérisme est un mouvement religieux issu du message de William Miller, qui prédisait en particulier le retour du Christ pour 1844. Après la « grande déception » (grand désappointement), ce courant continua d'avoir une certaine importance. La plupart des millérites deviendront adventistes. (Exemple : Joseph Bates)

Les Étudiants de la Bible, qui deviendront plus tard les Témoins de Jéhovah, ont été grandement influencés par eux. Charles Russell, le fondateur des Étudiants de la Bible, doit une grande partie de sa doctrine à des adventistes indépendants comme Jonas Wendell, Georges Storrs et Nelson Barbour.

Source : 🌐 Wikipédia

 

Ci-dessous je vous propose un extrait (Page 11-18) de l'ouvrage : Un trucage de l'Histoire - Retour sur un aspect du passé des témoins de Jéhovah. (Par Alexandre Salomon)

 

Les adventistes, en effet — dont l’appellation dérive de l’anglais « advent », avènement — prônaient un retour imminent et physique de Jésus Christ pour leur époque, laquelle devait marquer la fin de l’Âge de l’Évangile.

C’est vers 1818 qu’un ex-agriculteur baptiste, William Miller (1781-1849), se convainquit de la capacité de déterminer la date du retour du Christ à partir de certains calculs bibliques. Se fondant sur les 2300 jours mentionnés en Daniel 8:14, Miller croyait qu’il s’agissait là d’une indication prophétique permettant de situer le retour du Christ entre le 21 mars 1843 et le 21 mars 1844[17]. Plusieurs membres d’autres assemblées (méthodistes, baptistes, presbytériens, congrégationalistes) se joignirent au mouvement de Miller pour le Midnight Cry[18] (Cri de minuit). Mais, dès que s’écoulaient les premières semaines de 1844 et que le 21 mars fut passé, Miller dû admettre qu’il y avait une erreur quelque part.

C’est en ce moment, explique Thomas Daniels, que Samuel S. Snow, l’un des disciples de Miller, suggéra qu’en se basant sur le calendrier juif, il fallait s’attendre au retour de Christ en fin 1844 et non au début comme Miller l’avait imaginé.[19]

Les dés étaient donc relancés et le rendez-vous était à nouveau fixé pour le 22 octobre 1844. Isaac C. Wellcome explique:

L’on multipliait les rassemblements; certains abandonnèrent leurs activités profanes et s’assemblaient pour l’adoration de Dieu et l’étude assidue de la Bible. Les cultivateurs abandonnaient leurs champs sans les récolter ; plusieurs semblaient oublieux des affaires du monde.[20]

Selon La Tour de Garde du 15 juillet 1997 (p.25), ils étaient des milliers qui « attendaient beaucoup du 22 octobre 1844. Selon leur guide spirituel, William Miller, ce jour devait marquer le retour de Jésus Christ. Les millérites, comme on les appelait, ont attendu dans leurs lieux de réunion jusqu’à la tombée de la nuit. Quand le jour s’est levé, le Seigneur n’était pas venu. »

Cet avortement prophétique eut des conséquences fâcheuses: ces milliers de personnes qui avaient pratiquement tout abandonné pour le retour imminent du Seigneur devaient désormais faire face à ce que l’Histoire va retenir sous l’appellation de Great Disappointment (Grande Déception). Hiram Edson, l’une des victimes, a écrit :

Nos plus beaux espoirs et nos attentes se sont explosés, et il se déversa sur nous un tel esprit de pleurs que je n'avais jamais vu auparavant [...]. Nous avons pleuré et pleuré jusqu’à l’aube du jour.[21]

Évidemment, le mouvement religieux de Miller prit un coup dans l’aile et se disloqua en plusieurs sectes. Miller lui-même a dû reconnaître qu’il s’était lourdement trompé :

Nous nous sommes certainement trompés. Nous attendions la venue personnelle de Christ en ce moment-là. Prétendre maintenant que nous ne nous sommes pas trompés est de la malhonnêteté. Nous ne devons éprouver aucune honte à reconnaître franchement nos erreurs.[22]

Toutefois, pour quelques responsables du mouvement — tels Apollos Hale, Joseph Turner, Samuel S. Snow, Barnett Matthias et Hiram Edson précité — l’échec prophétique n’en était pas vraiment un. C’était à leurs yeux une bénédiction car Christ serait effectivement venu à la date indiquée, mais au lieu de descendre sur terre, il serait entré dans le Lieu Très-Saint du Temple céleste, assis sur le Trône, événement invisible à l’oeil humain[23]. Ceux qui acceptaient cette croyance en vinrent alors à être appelés « Adventistes du Septième Jour » sous l’impulsion d’Ellen Gould White.[24]

Tous n’acceptaient pas cette solution explicative. L’un d’eux, un médecin à Rochester (New York), se nommait Nelson Horatio Barbour (1824–1905) ; le Great Disappointment avait eu raison de lui. Barbour s’embarqua pour l’Australie en 1853 pour tenter de faire fortune dans les mines d’or, abandonnant toutes recherches dans le domaine de la prophétie biblique, tant il était déçu. Mais à son retour d’Australie, en 1859, sa discussion en bateau avec un ecclésiastique sur le texte de Daniel 12:7, raviva son intérêt pour le prophétique.

Croyant avoir trouvé la clé de l’erreur de Miller, il s’associe très vite avec les Adventistes de New York — l’Advent Christian Church — et se mit à élaborer des calculs sur la base des indications chronologiques figurant en Apocalypse (ou Révélation) chapitre 11 et Daniel chapitre 12, calculs qui indiquaient que le retour de Christ doit être fixé, non pas en 1843 comme Miller l’avait d’abord fait, mais 40 ans plus tard, en 1873[25]. Il en déduisait que les « sept temps » mentionnés en Daniel chapitre 4 devraient s’écouler de 606 avant notre ère à 1914 de notre ère.[26]

Les résultats de cette nouvelle découverte furent publiés dans deux proéminents journaux adventistes, le World’s Crisis et l’Advent Christian Times. En 1870, il publie également un pamphlet de 100 pages intitulé Evidences for the Coming of the Lord in 1873; or the Midnight Cry (« Preuves de la venue du Seigneur en 1873; ou le Cri de Minuit »). Au début de l’année 1873, la date fatidique, Barbour édite un mensuel intitulé The Midnight Cry and Herald of the Morning (Le Cri de Minuit et le Messager du Matin) qui renfermait pratiquement les mêmes arguments prophétiques.

Quand l’année 1873 fut achevée et qu’on ne vit pas Jésus « en chair et en os », on réajusta les calculs et le rendez-vous fut fixé pour 1874. Cette date s’acheva également sur un rendez-vous manqué : Jésus n’est pas venu. Les coeurs cédèrent alors à l’amertume et au découragement. Mais, les choses n’allaient pas s’arrêter en si bon chemin. En effet :

C’est à ce point précis que B. W. Keith, un lecteur du Midnight Cry, a fait remarquer que Benjamin Wilson, dans son Emphatic Diaglott (traduction interlinéaire de la recension du Nouveau Testament par J. J. Griesbach), a traduit le mot grec παρουσία (parousia) par ‘présence’. En se basant sur cette traduction, il suggéra que Christ était peut-être venu à la fin de l’année 1874 après tout, mais que ce fut un événement invisible.[27]

Comment Barbour apprécia-t-il cette explication? Eh bien, il la trouva attractive[28] ! Jonsson précise que « pour Barbour, cette explication ne semblait pas seulement attractive ; comme lui et ses associés ne voyaient aucune erreur dans leurs calculs, ils y voyaient là la solution à leur problème. »[29] Attitude curieuse, avouons-le : c’est ce même Barbour qui avait pourtant rejeté une explication similaire après l’échec prophétique de Miller en 1844 (cf. supra). Et voilà qu’il s’embarque lui-même dans une même échappatoire! « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil », disait un sage israélite.[30]

S’appuyant sur cette explication qui de toute façon l’arrangeait, Barbour pouvait continuer la publication de son mensuel dès juin 1875, dont le titre sera abrégé en Herald of the Morning (Messager du Matin). C’est ainsi, explique le livre Prédicateurs, qu’ « un matin de janvier 1876, Charles Russell, âgé de 23 ans », a reçu un exemplaire du Herald.

C’était un écrit adventiste: il l’avait reconnu à l’illustration de la couverture. Le rédacteur en chef, Nelson Barbour, de Rochester (État de New York), croyait que le but du retour du Christ n’était pas de détruire les familles de la terre, mais de les bénir, et que sa venue ne serait pas dans la chair, mais en tant qu’esprit.[31]

Rappelons ici que la ré-interprétation du retour de Jésus en 1874 adoptée par Barbour (« pas dans la chair, mais en tant qu’esprit ») n’était pas le fruit d’un hasard. Ayant été déçu à au moins trois reprises lorsqu’il militait pour un advent charnel du Christ, et ayant certainement eu écho des échecs prophétiques à propos de ce retour[32], Barbour n’avait d’autre choix que de spiritualiser cet événement glorieux pour ne pas perdre la face !

Que fit Russell de la démonstration eschatologique de Barbour ? À ce stade de notre questionnement, le lecteur doit prêter beaucoup d’attention à la réponse fournie par les Témoins de Jéhovah dans leur publication Prédicateurs :

Comme leurs points de vue se rapprochaient, il [Russell] a poursuivi la lecture de cette publication, tout en se rendant compte qu’elle émanait des adventistes. Pourtant, jusque-là il n’avait guère apprécié leurs doctrines. En fait, quelle que soit l’origine de ces connaissances, Russell cherchait à approfondir davantage l’enseignement de Dieu. Intéressé par la chronologie exposée dans ce périodique, il a immédiatement pris contact avec Barbour pour discuter de la chose en détail. Russell se déclarait prêt à prendre à sa charge les frais qu’entraînerait une telle entrevue avec lui. […] Nelson Barbour a réussi à convaincre Charles Russell que la présence invisible du Christ avait commencé en 1874.[33]

Une question : Pourquoi, bien que sachant que la publication venait des Adventistes et qu’il n’appréciait guère leurs doctrines, Russell a quand même tenu à l’ouvrir pour la lire ? Simple curiosité ? Le commentaire révèle, avec sobriété, que Russell « cherchait à approfondir davantage l’enseignement de Dieu » et ce, peu importe l’origine des connaissances exposées dans la publication. Qui plus est, l’homme devint de plus en plus accroché par la lecture lorsqu’il se rendit compte qu’ils avaient, Barbour et lui, des points de vue qui « se rapprochaient » au point où Russell fut « intéressé par la chronologie exposée dans ce périodique. »